« J’étais complètement perdu », Nordahl Lelandais interrogé sur sa personnalité et son parcours de vie à la cour d’assises de l’Isère


02 février 2022

Une vie à la dérive jonchée d’échecs et d’addictions.

C’est pendant plus de cinq heures que Nordahl Lelandais a été interrogé ce mercredi 2 février pour la troisième journée de son procès pour le meurtre de la petite Maëlys et pour des agressions sexuelles sur deux de ses cousines mineurs. L’ex-militaire de Domessin n’a pas été questionné sur les faits reprochés ce jour, mais plutôt sur sa personnalité et son parcours de vie.

C’est la présidente de la cour d’assises de Grenoble qui a commencé à interroger Nordahl Lelandais ce mercredi. Après des descriptions assez « lisses » ces derniers jours par ses proches, elle a tenté d’en savoir plus sur les relations familliales de Nordahl Lelandais. Il explique avoir eu peu de lien avec ses grands-parents paternels, qui étaient en froid avec son père.

Un père figure d’autorité selon Sven Lelandais, son frère, interrogé hier. Mais Nordahl Lelandais a refuté, expliquant que sa mère a aussi eu une part importante dans son éducation. Du reste, l’ancien maître chien décrit une belle enfance, avec plusieurs vacances et de l’affection de la part de ses parents.

Les premiers échecs scolaires

S’il a été décrit comme un élève studieux avec du potentiel par ses proches lors des deux premiers jours d’audience, la réalité est tout autre. Le jeune Nordahl Lelandais redouble sa 4ème à La Tour-du-Pin et abdandonne l’école au milieu de son année de 3ème en internat.

Sans diplôme, il s’oriente ensuite vers un CAP en alternance dans une filière commerciale. Il travaille alors dans un garage mais sera finalement renvoyé par son maître de stage après avoir volé un autoradio avec un ami.

Nordahl Lelandais assure à la barre que c’était au moment de sa crise d’adolescence, alors qu’il a 16 ans. « Ça a duré deux semaines et encore », relativise le meurtrier présumé de Maëlys.

Un ami prêt à tout pour ses proches

Après cet épisode, Nordahl Lelandais quitte définitivement le milieu scolaire et part rejoindre sa tante dans le sud pour différents travaux. Il aide notamment aux vendanges. La président de la cour revient alors sur plusieurs déclaration de ses amis, décrivant Nordahl Lelandais comme une personne très fidèle en amitié, capable d’abandonner un travail pour venir en aide à un proche.

Désillusion à l’armée

C’est à 17 ans et demi que Nordahl Lelandais s’engage dans l’armée. Passionné des animaux, il y découvre le métier de maitre chien. « L’armée c’est très important pour moi » repète-t-il plusieurs fois lors de l’audience. Mais l’expérience va rapidement couper court.

Déçu par plusieurs contraintes de l’armée et réprimandé à plusieurs reprises pour sa consommation de cannabis, Nordahl Lelandais pointe à la cour un évènement qui l’a particulièrement marqué et qui a achevé de le dégouter de l’armée. Son sergent le vise à l’œil avec une fléchette. Il sera alors momentanément borgne. Lelandais explique que ses officiers lui ont mis la pression pour ne pas dénoncer cet épisode. Chose qu’il fera finalement après avoir quitté les armes.

Le point de départ de plusieurs addictions

C’est à ce moment-là que Nordahl Lelandais affirme que sa vie déraille complètement. Déjà bien habitué des soirées arrosées, il commence à consommer de manière régulière et importante de la cocaïne. Il s’engage dans de nombreux petits boulots, les quitte puis a plusieurs accidents du travail. Il commence même à mentir sur son passé.

Autre addiction qu’il commence à développer : la pornographie. Nordahl Lelandais affirme regarder entre 2 et 3 heures de vidéos par jour. « J’étais perdu » affirme l’ancien militaire. Il souffre notamment de crises d’angoisse et est suivi au CMP de Pont-de-Beauvoisin. Le médecin en charge de son dossier décrira sa cellule familliale de « pathologique ».

Du côté de ses relations amoureuses, c’est tout aussi chaotique. Lelandais enchaine les relations sur des applications de rencontres, les infidélités aussi. Il explique ne pas réussir à s’investir dans des relations, « à l’exception d’une peut-être » élude-t-il. Il reconnait également une addiction au sexe.

Une première condamnation

En 2009, Nordahl Lelandais est condamné pour la première fois à 12 mois de prison pour l’incendie du restaurant « La Plage » de Paladru. Si sa peine est aménagée en détention à domicile, l’ex-militaire se voit aussi condamné à une obligation de soins pour son alcoolisme et doit trouver un travail. Il se lance son entreprise de dressage de chien, mais qui ne tiendra même pas une année.

Interrogé par son avocat, Me Alain Jakubowizc, Nordahl Lelandais décrit son quotidien au début de l’année 2017, avant le meurtre de Maëlys et d’Arthur Noyer ainsi : « Je me lève tard. Café. Clope. Cocaïne. Site pornographique. Je prends ma voiture. Je rentre. Café. Clope. Cocaïne. Site porno. »

Il assure que la prison l’a changé

Après la disparition de Maëlys, Nordahl Lelandais est rapidement interpellé et placé en détention provisoire. S’il a expliqué avoir d’abord ressentie de la honte dans sa cellule d’isolement, l’ex-maitre chien a expliqué à la barre qu’il essaie depuis de changer son comportement. Ses séances de suivis psychologiques sont d’ailleurs désormais plus espacées dans le temps, bien que Lelandais voudrait avoir lui plus de séances. Les psychologues, eux, estiment que son état s’améliore.

Une relation en prison

La présidente de la cour est également revenue sur la relation amoureuse que Nordahl Lelandais a entretenu entre juillet et décembre 2021 avec une femme qui a d’abord commencé à lui envoyer des lettres. Très rapidement, elle lui envoie aussi de l’argent, beaucoup d’argent. La président de la cour dévoile la somme d’un peu plus de 10 000 euros, en moins de six mois.

« De l’argent pour cantiner et pour le téléphone » répond Nordahl Lelandais, qui affirme toutefois que c’est elle qui lui a proposé de lui donner illégalement un téléphone en prison, et que lui aurait initialement refusé.

Des déclarations qui n’ont pas convaincues les parties civiles

Et c’est ce fameux téléphone que Me Fabien Rajon, avocat de la mère de Maëlys, va mettre en avant lorsqu’il interroge Nordahl Lelandais sur sa personnalité. Me Rajon va en effet dévoiler que Nordahl Lelandais a consulté sur ce téléphone plusieurs vidéos pornographique, dont certaines dans les catégories dites « adolescente » et « petite ».

Pour l’avocat, ça ne fait pas de doute : Nordahl Lelandais a toujours des pulsions pour les mineurs – comme il avait pu l’affirmer aux enquêteurs lors des investigations. Une découverte qui va à l’encontre de l’idée de « changement » de Nordahl Lelandais depuis le début de sa détention. L’ex-militaire lui affirme que ces vidéos ne sont en aucun cas pédo-pronographiques.

                                                                                                             

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Me Fabien Rajon à la sortie de l'audience

L’avocat du père de Maëlys, Me Laurent Boguet, a lui déploré à la fin de l’audience le manque de réponses de Nordahl Lelandais sur son état psychique et des justifications pour savoir ce qui a pu le pousser à tuer la petite Maëlys. Nordahl Lelandais sera interrogé sur ces faits en détails par la cour la semaine prochaine.

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Me Laurent Boguet à la sortie de l'audience

Par Thomas Bantchik

L'intégralité de ce troisième jour de procès est à revivre sur le compte Twitter de Radio ISA.